Évolution et Tendances du Marché du Cloud en France en 2023

Le marché du cloud en France est fortement dominé par trois principaux acteurs connus sous le nom d’hyperscalers, qui captent environ 80% de la croissance du cloud public. Cette situation soulève des questions quant à la concurrence et à la diversité des offres disponibles pour les entreprises françaises. Pour contrer cette tendance, l’Autorité de la concurrence a mené une étude approfondie et proposé des options pour réintroduire plus de compétition. Cet article explore les dynamiques de marché actuelles, les stratégies utilisées par les hyperscalers pour maintenir leur position, ainsi que les actions envisageables pour diversifier le marché. Enfin, nous discuterons également des initiatives telles que Gaia-X et les implications des accords cloud de confiance.

Trois hyperscalers captent 80% de la croissance du cloud public en France. Plusieurs éléments participent à cette concentration –dont les crédits cloud et les frais de transfert. Comment réintroduire plus de compétition? Le point sur les options proposées par le rapport de l’Autorité de la concurrence.

Le marché du cloud public en France est actuellement dominé par des géants technologiques mondiaux tels qu’Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud. Ensemble, ces trois hyperscalers captent une part écrasante de la croissance du secteur, laissant peu d’espace pour les nouveaux entrants locaux et internationaux. Cette concentration s’explique notamment par leur capacité à offrir des services cloud fiables et de haute performance à des tarifs compétitifs, soutenus par des infrastructures gigantesques et des investissements massifs en R&D.

Face à cette situation, l’Autorité de la concurrence a publié un rapport soulignant les barrières à l’entrée et proposant des pistes pour dynamiser la compétition. Les recommandations incluent la mise en place de réglementations favorisant l’interopérabilité des services cloud, la transparence des frais de transfert de données, et la promotion de solutions technologiques européennes. Ces mesures visent à réduire la dépendance envers les hyperscalers et à encourager l’émergence de nouvelles offres sur le marché.

Des hyperscalers à la puissance financière considérable

Les hyperscalers possèdent une puissance financière sans précédent, ce qui leur permet de soutenir des tarifs agressifs et de proposer des services diversifiés à des prix compétitifs. Grâce à leur capacité financière, ces géants peuvent également investir massivement dans des infrastructures de pointe et dans l’innovation, consolidant ainsi leur position dominante sur le marché. Leurs ressources leur donnent également un avantage en matière de captation de talents et de protection de leur écosystème de partenaires technologiques.

Cette domination financière crée un environnement de marché difficile pour les startups et les fournisseurs de services cloud plus petits qui ne peuvent pas suivre le rythme d’investissement requis. Les solutions d’hyperscalers deviennent souvent le choix par défaut des entreprises cherchant à intégrer des services cloud, renforçant encore leur position monopolistique. Pour équilibrer la situation, il est nécessaire de réfléchir à des mesures politiques et économiques qui encourageraient les investissements locaux et la diversification technologique.

Des caractéristiques de marché qui renforcent les fournisseurs installés

Le succès des hyperscalers repose aussi sur des caractéristiques de marché qui renforcent leur leadership. Parmi elles, la portabilité limitée des données et la complexité des services cloud offerts, qui peuvent éloigner les clients d’un changement de prestataire. Cela a pour effet de créer un fort effet de verrouillage qui profite aux acteurs dominants, bloquant l’entrée de nouveaux joueurs potentiels.

Cet effet est amplifié par la notoriété et la confiance déjà établies de ces hyperscalers, qui rassurent les entreprises en quête de partenaires cloud fiables et robustes. Elles sont davantage enclines à choisir des solutions testées et sécurisées, ce qui limite les opportunités pour la concurrence. Pour favoriser une distribution plus équitable, il est essentiel d’encourager l’innovation et de promouvoir la transparence, permettant une comparaison objective entre les différentes offres du marché.

Crédit Cloud et egress fees, des atouts pour verrouiller le marché?

Les hyperscalers ont la capacité d’offrir des crédits cloud qui permettent aux entreprises d’essayer gratuitement plusieurs services pendant une période donnée. Ces initiatives fonctionnent non seulement comme des stratégies d’attraction de clients, mais elles créent également un lien économique qui les incite à rester au-delà de la période promotionnelle. Les entreprises se retrouvent alors souvent dans une situation de dépendance vis-à-vis d’un service spécifique.

En parallèle, les frais de sortie ou « egress fees » pratiqués par ces fournisseurs rendent coûteux le transfert de données vers d’autres prestataires cloud. Ces frais dissuadent fortement les entreprises de changer de fournisseur, solidifiant encore davantage la position des hyperscalers. Pour améliorer la compétitivité du marché, il serait bénéfique de revoir ces pratiques et de promouvoir une meilleure accessibilité des données afin de faciliter la migration entre différents services cloud.

Des freins concurrentiels à la primo-migration (et aux autres aussi)

La migration vers le cloud, qu’elle soit initiale ou secondaire, présente des défis considérables qui peuvent décourager les entreprises de faire le saut ou de changer de fournisseur. Parmi ces défis, on trouve la complexité technique de la migration, les coûts associés et le besoin d’une expertise spécialisée, rarement abordable pour les PME.

De plus, une fois qu’une entreprise a migré vers un service cloud spécifique, l’inertie organisationnelle et les coûts de formation impliqués dans un éventuel changement de plateforme constituent des freins supplémentaires. Ces obstacles concurrentiels bénéficient aux grands hyperscalers, qui voient leurs clients hésiter à explorer d’autres options, renforçant ainsi leur emprise sur le marché.

Les leviers de l’Autorité

Pour contrecarrer ces tendances, l’Autorité de la concurrence explore plusieurs leviers visant à stimuler la concurrence et la diversité des services cloud en France. L’un des points clés est l’amélioration de l’interopérabilité et de la portabilité des données, des éléments essentiels pour permettre aux entreprises de changer plus facilement de fournisseur en fonction de leurs besoins.

Parmi les stratégies proposées, on trouve aussi l’encouragement de l’éducation et de la sensibilisation sur les choix alternatifs disponibles, ainsi que l’amélioration des régulations en matière de transparence tarifaire. Ces mesures pourraient permettre d’éliminer certains obstacles à l’entrée et ainsi d’ouvrir davantage le marché français du cloud aux nouveaux acteurs potentiels, tant locaux qu’étrangers.

Les accords cloud de confiance susceptibles d’être des ententes

Les accords de confiance dans le cloud soulèvent des questions quant à leur capacité à faire office d’ententes déguisées. Les objectifs affichés de ces accords incluent le respect de normes de sécurité, mais ils pourraient aussi être utilisés pour instaurer des pratiques anticoncurrentielles et verrouiller davantage le marché au détriment des nouveaux entrants.

Il sera crucial d’examiner attentivement ces accords pour qu’ils ne deviennent pas un moyen invisible de renforcer les positions dominantes existantes. Des réglementations plus claires et une surveillance accrue par les autorités pourraient prévenir de telles dérives et garantir que ces initiatives restent bénéfiques pour le secteur dans son ensemble.

Gaia-X sabordé?

Gaia-X représente un effort européen visant à établir une infrastructure cloud souveraine, favorisant l’autonomie numérique. Le projet, cependant, a rencontré plusieurs obstacles, notamment liés à sa complexité organisationnelle et à la difficulté de fédérer un large éventail d’acteurs avec des intérêts divergeants.

Bien que Gaia-X ait été salué pour son ambition de fournir une alternative compétitive aux hyperscalers, le manque d’avancées concrètes soulève des questions sur son efficacité et sur la possibilité qu’il soit déjà en passe d’être sabordé. Pour qu’une initiative de cette envergure prospère, elle nécessite non seulement un soutien politique solide, mais aussi des alliances stratégiques et une exécution coordonnée.

Réflexions finales